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Les huiles essentielles, « pires que les acariens » !

Dans son hors-série « Maison saine » n° 1285 de mai-juin 2019, titré « Nettoyez sans polluer : Plus de 100 fiches pour traquer les produits toxiques ».la revue 60 Millions de consommateurs s’est en effet intéressée aux huiles essentielles (HE).

Quatre grands chapitres au sommaire de ce numéro : « Halte aux polluants » (monoxyde de carbone, tabac, polluants biologiques, matériaux de construction, mobilier, air extérieur, etc.) ; « Repérer les faux amis » (produits ménagers, acaricides, désodorisants, « faux produits verts et vrais toxiques », désinfectants, purificateurs, etc.) ; « Nettoyer au naturel » (savons noirs et de Marseille, vinaigre blanc ou d’alcool, bicarbonate de soude, terre de Sommières, etc.) ; « Assainir pièce par pièce » (salon, chambre, cuisine, salle de bains, bureau, etc.).

On peut entre autres y lire que « clairement, les flacons censés nettoyer nos logements nuisent à notre santé et polluent l’environnement, alors même qu’on les utilise pour assainir (…) Beaucoup contiennent une ou plusieurs substances toxiques, nuisibles à notre santé ou à l’environnement. »

(Image Freepik)

C’est dans le chapitre « Repérer les faux amis » que le magazine pointe les HE du doigt, entre autres à propos des COV (composés organiques volatils, potentiellement dangereux) :

« Les produits industriels testés génèrent des expositions significativement plus fortes que les produits “faits maison” à certains composés organiques volatils, comme le formaldéhyde, l’acétaldéhyde, l’acétonitrile, l’acétone et l’isopropanol. En revanche, les produits “faits maison” génèrent des expositions significativement plus fortes pour le limonène (composé présent dans de nombreuses huiles essentielles, ajouté dans de nombreux produits pour son odeur d’agrume) et en acide acétique (acide présent dans le vinaigre). Par ailleurs, la présence d’huiles essentielles dans les produits “faits maison” contribue à augmenter assez fortement les émissions de substances à risques sanitaires potentiels. Néanmoins, globalement, les produits “faits maison” émettent des quantités plus faibles de composés volatils que les produits manufacturés. Il convient toutefois de limiter l’ajout d’huiles essentielles au strict nécessaire. »

Des affirmations, parmi d’autres, qui n’ont pas manqué de faire réagir les professionnels du secteur des huiles essentielles.

La réponse du « Consortium HE »

Le « Consortium HE », créé en novembre 2017, réunit 10 entreprises représentant 95 % du marché de l'aromathérapie en France ainsi que 1300 agriculteurs et producteurs d’HE. Des professionnels qui ont répondu, dans un communiqué de presse daté du 22 avril 2019, aux affirmations de 60 Millions relatives aux huiles essentielles dans ce hors-série... Un communiqué titré « Repérer les fausses informations » pour faire écho au « « Repérer les faux amis » du magazine, répondant à cinq informations jugées inexactes :

1 « Les acaricides sont pires que les acariens »

« La revue mentionne que les acariens sont responsables de 45% des allergies et recommande de ne pas utiliser d’HE au motif que certaines contiennent des allergènes potentiels. Les acariens provoquent effectivement des allergies respiratoires particulièrement invalidantes. Plusieurs HE sont efficaces, soit pour tuer les acariens, soit pour éviter une réinfestation.

Les allergies respiratoires aux HE sont quasi inexistantes. Un phénomène irritatif, et non allergique, peut survenir au cours d’un surdosage ou d’un usage non conforme aux recommandations du fabricant. L’allergie aux HE est plutôt de nature cutanée et touche moins de 2 % de la population.

La documentation médicale ne décrit pas d’allergie cutanée apparue lors d’un usage d’HE sous forme de spray à vaporiser sur des surfaces ou dans l’air. Il est erroné et abusif de présenter les HE acaricides comme "pire que les acariens" pour les personnes allergiques. Les HE acaricides sont une mesure naturelle et efficace de lutte contre les acariens dans la maison. »

(Image Freepik)

  1. « Les HE contiennent du limonène ou du linalol allergisants ».

« D’après les études cliniques et scientifiques, le limonène et le linalol ne sont pas classés allergisants respiratoires. Ce sont les produits d’oxydation à l’air du limonène ou du linalol qui peuvent l’être. Dans les habitats, la principale source de limonène oxydé provient des peintures murales où il est utilisé comme solvant "vert" en remplacement des solvants pétrochimiques. Une HE de qualité, conservée ou conditionnée à l’abri de la lumière et de l’air, n’expose pas à des composés oxydés allergisants.

A titre de prévention, la réglementation impose que la présence de limonène ou de linalol au-delà d’une certaine quantité dans les produits soit mentionnée sur les étiquettes des produits. Les consommateurs réellement sensibles notamment peuvent ainsi éviter de s’y exposer. »

  1. « Les huiles essentielles de menthe poivrée, d’arbre à thé et d’orange sont toxiques pour les organismes aquatiques »

« On peut s’interroger tout d’abord pour savoir comment un spray aérien d’HE pourrait "contaminer" un cours d’eau[1]. En vérité, les affirmations de la revue proviennent d’une interprétation incomplète et biaisée des études réalisées en application du règlement REACH[2] et du règlement CLP[3]. Dans le dossier REACH de l’HE de Menthe Poivrée par exemple, aucune étude de toxicité de l’HE sur les organismes aquatiques n’a été réalisée. Les informations mentionnées se basent sur des données de toxicité issues des seuls constituants, obtenus par voie de modélisation mathématique. Les conclusions obtenues sont théoriques.

Des tests d’écotoxicité et de biodégradabilité en situation réelle ont été réalisés selon les normes OCDE[1] sur des mélanges d’HE, la biodégradabilité et l’absence de toxicité y sont démontrées. Il n’y a pas de preuve d’une toxicité potentielle, aigüe ou chronique, d’une HE qui aurait été déversée en grande quantité dans un cours d’eau. Plusieurs HE sont même utilisées en aquaculture[2] (…) ».

  1. « Un nombre élevé d’HE augmente les risques »

« Une huile essentielle se caractérise par sa richesse en composants, en moyenne une trentaine. Les sprays aériens ou les mélanges pour diffuseurs sont souvent constitués de plusieurs huiles essentielles. Une idée répandue, mais inexacte, affirme qu’en mélangeant plusieurs HE on multiplierait les composants (10 HE représenteraient 300 composants par exemple).

Une simple analyse montre que ce n’est pas le cas : un mélange de 10 ou 50 HE présentera toujours une trentaine de composants majoritaires, seules les proportions de ces composants vont être modifiées. La raison en est que plusieurs composants identiques se retrouvent dans de nombreuses plantes et HE différentes. 

  1. « Les HE émettent des COV [composés organiques volatils] polluants dans l’atmosphère et sont nocives pour les personnes asthmatiques »

« Les HE sont des COV naturels comme la plupart des molécules odorantes de plantes (fruits, fleurs …). 60 Millions laisse entendre, depuis ses premiers articles en 2014, que ces composants naturels seraient de même nature que les COV anthropiques, générés par l’activité humaine et considérés comme polluants, tels que le benzène ou le formaldéhyde. Par ailleurs, les valeurs et les méthodes de mesure de COV totaux annoncés par la revue ne font pas l’objet de consensus scientifique ou réglementaire.

Dès lors, les interprétations concernant les HE deviennent particulièrement arbitraires et susceptibles d’entretenir une confusion et une inquiétude injustifiées chez les consommateurs.

Face à cette situation, le Consortium HE mène des études en situation de vie réelle auprès des consommateurs. L’étude "Huiles essentielles et air intérieur" menée début 2019 auprès de 22 000 consommateurs montre que pour 1 million de produits vendus, seulement 12 personnes mentionnent avoir ressenti une gêne respiratoire modérée et réversible. On notera que plusieurs d’entre elles ont signalé ne pas avoir suivi les recommandations du fabricant, le surdosage étant le plus souvent responsable des gênes ressenties. Ces travaux ont été présentés à l’ANSES [L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail] le 9 avril 2019. »

(Image ckahlon via Pixabay)

« Concernant les personnes asthmatiques, des travaux récents de référence, publiés dans la revue internationale Journal of Asthma, démontrent la bonne tolérance de patients allergiques asthmatiques légers à modérés suite à l’utilisation d’un spray aérien composé d’HE en mélange.

Ces données cliniques réelles contredisent les conclusions des travaux théoriques précédents mentionnés par la revue ».

Pas de risque majeur quand on respecte les préconisations des fabricants

Le Consortium HE conclut son communiqué de presse en signalant qu’il « met à disposition de la revue 60 Millions de Consommateurs son expertise et sa documentation scientifique récente (7000 publications) pour une information plus juste du consommateur sur les huiles essentielles ».

Il souligne aussi que « les HE sont des produits naturels, efficaces, utiles et sûrs, si l’on prend soin de suivre les recommandations des prescripteurs et des fabricants. Le Consortium HE rappelle que, selon les Centres Anti-poisons, 95 % des effets indésirables répertoriés avec les HE sont le fait de mésusages. Que ce soit en sprays aériens ou en diffuseur, les huiles essentielles, lorsqu’elles sont de qualité et correctement utilisées, ont une place de choix dans une maison saine et écologique. »

(Image asundermeier via Pixabay)


[1] À noter cependant que le magazine semble faire surtout référence aux HE contenues dans les produits nettoyants, dont des résidus peuvent effectivement se retrouver dans les eaux usées et donc dans les cours d’eau.

[2] Règlement de l'Union européenne adopté pour mieux protéger la santé humaine et l'environnement contre les risques liés aux substances chimiques.

[3] Règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances chimiques.

[4] Organisation de coopération et de développement économiques.

[5] Par exemple l’origan ou le clou de girofle.


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