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Les perturbateurs endocriniens sont des « xénohormones », des « hormones étrangères » à notre corps, d’origine chimique, qui viennent perturber son bon fonctionnement naturel (Photo Pixabay PublicDomainPictures).

Depuis plusieurs années, les perturbateurs endocriniens (PE) sont montrés du doigt. Non seulement ils sont l’objet de toutes les inquiétudes chez ceux qui se battent pour un environnement plus sain, mais ils sont aussi régulièrement au cœur d’informations plus ou moins alarmantes diffusées par les médias généralistes, sans parler du web, toujours prompt à informer voire désinformer. Si les risques de ces PE sont en général rappelés, il arrive plus rarement qu’une explication réelle de ce qu’ils sont intrinsèquement soit donnée. Une lacune que nous souhaitons combler dans les lignes qui suivent.

 

Explication sémantique

La sémantique, c’est l’étude du sens d’un mot ou d’un énoncé. Que signifie donc, sur le plan du vocabulaire, « perturbateur endocrinien » ? Tout le monde sait a priori ce qu’est un « perturbateur » : c’est quelque chose (ou quelqu’un) qui crée du désordre ou un trouble. Mais que signifie le mot « endocrinien » ? Il s’agit en fait d’un adjectif appartenant au monde de la biologie et de la médecine, dérivé d’un autre adjectif : « endocrine ».


Notre corps est en permanence « gouverné » par nos hormones, la grossesse étant, chez la femme, un des exemples les plus visibles (Photo Stocklib tommyandone).
 

Ce mot désigne toutes les glandes de notre corps qui déversent directement dans le sang, via les capillaires sanguins, les substances qu’elles produisent. L’hypophyse (située à la base du cerveau), le pancréas (au niveau de l’estomac), la thyroïde (au niveau du cou), le thymus (dans la partie supérieure du thorax) ou les surrénales (une sur chaque rein) sont par exemple des glandes endocrines, de même que les ovaires chez la femme ou les testicules chez l’homme.

Les substances qu’elles sécrètent sont des hormones qui ont un rôle essentiel pour tous les animaux, ce qui inclut bien entendu les humains. Ces hormones agissent comme des sortes de messagers, régulant de nombreuses fonctions de l'organisme, comme la croissance et le développement, la différenciation sexuelle, la reproduction, le métabolisme, la pression artérielle, la glycémie…

Et s’il existe donc des glandes endocrines (du grec endon, « au dedans »), il existe aussi des glandes dites exocrines (exos = « au dehors »), ainsi appelées car les substances qu’elles produisent sont sécrétées « à l’extérieur », c’est-à-dire pas directement dans le sang, mais via un canal excréteur. Les glandes mammaires (qui produisent le lait), sébacées (sébum), sudoripares (sueur) ou salivaires (salive) sont des glandes exocrines.

Parfois, certaines glandes ont une action à la fois endocrine et exocrine. On les appelle alors glandes « amphicrines » (amphi = « tous les deux ») : c’est le cas par exemple du pancréas ou des testicules.


Comment agissent les perturbateurs endocriniens ?

 L’expression « perturbateur endocrinien » est apparue au début des années 1990, même si les scientifiques avaient constaté dès les années 1950 que nous étions exposés à des substances « hormono-mimétiques », c’est-à-dire des produits chimiques d’origine environnementale qui agissent comme les hormones (d’où le terme « mimer » signifiant « reproduite, imiter »), mais n’en ont pas les effets bénéfiques habituels. Etant reconnues par le corps comme les hormones naturelles, elles sont ainsi capables de perturber l’action des hormones produites par notre corps et d’en modifier l’action.

Toutes les (innombrables) fonctions biologiques dans lesquelles les hormones naturelles de notre corps sont impliquées sont ainsi potentiellement impactées : croissance, développement, comportement et humeur, production, utilisation et stockage de l'énergie, sommeil, circulation sanguine, fonction sexuelle et reproductrice, etc.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a défini les PE comme des « substances chimiques d'origine naturelle ou artificielle étrangères à l'organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants ». Car les PE sont capables d’exercer leur action nocive non seulement sur la personne qui y a été exposée, mais aussi à ses enfants, éventuellement sur plusieurs générations.

Ces PE étant des substances « hormono-mimétiques » d’origine étrangères, elles sont parfois aussi appelées « xénohormones », du radical grec xenos signifiant « étranger ».

Le problème est que les PE agissent à très faibles doses (comme le font les hormones naturelles), avec des conséquences souvent sur le (très) long terme, renforcées par le fameux « effet cocktail » : le même PE peut provenir de différentes sources, et donc sa dose finale augmenter, ou encore voir son action négative renforcée, stimulée, par un ou plusieurs autres PE. Mais les PE ne sont pas des toxiques au sens habituel du terme, ne provoquant pas « d’empoisonnement » aigu mais progressif.

 

Quels sont les perturbateurs endocriniens les plus répandus ?

Selon une publication faite conjointement en 2013 par l’OMS et le PNUE (Programme des Nations unies pour l’Environnement), on connaissait à l’époque près de 800 substances pour lesquelles une activité endocrinienne a été détectée ou soupçonnée. Un chiffre qui ne cesse d’évoluer... Les citer toutes est ici impossible et il faut se contenter de lister les PE les mieux connues :

  • le BPA (bisphénol A), principalement utilisé comme base pour la fabrication industrielle par polymérisation de matières plastiques et de résines. On en trouve dans des produits aussi divers que les lunettes de soleil ou les récipients pour les liquides ou les aliments.
  • les PBDE (diphényléthers polybromés), composés ignifugeants (empêchant l’incendie) utilisés dans les boîtiers en plastique des téléviseurs et ordinateurs, les tapis, la literie, les vêtements, les coussins en mousse, d’autres textiles, etc.
  • les PCB (polychlorobiphényles) ou BPC (biphényles polychlorés), employés comme additifs dans les huiles minérales, les produits de soudures, certains adhésifs, des peintures, etc.
  • le PFOA (acide perfluorooctanoïque), utilisé dans la fabrication de fluoropolymères du type PTFE (Teflon), ainsi que dans les mousses anti-incendie.
  • les phtalates, qui sont des plastifiants couramment utilisés dans les matières plastiques et d’autres matériaux, mais que l’on trouve également dans certains cosmétiques, utilisés comme agents fixateurs pour augmenter le pouvoir de pénétration d’un produit sur la peau, et surtout dans les vernis à ongles.
De nombreux détergents (bases lavantes) contiennent aussi des PE connus ou supposés (alkylphénols, nonylphénols…), de même que certains médicaments (comme, bien sûr, les stéroïdes synthétiques, tels ceux utilisés dans les pilules contraceptives) ou les omniprésents pesticides (organochlorés, organo-azotés, pyréthrinoïdes)…  
Les perturbateurs endocriniens sont partout dans notre environnement, jusque dans les lessives, les tissus et les plastiques des équipements ménagers (Photo Pixabay stevepb).

 

Où trouve-t-on des perturbateurs endocriniens ?

Au vu de la (pourtant très courte) liste faite à l’instant, on comprend que les PE sont malheureusement partout dans notre environnement. La nourriture est semble-t-il la principale source d’exposition à ces substances, soit directement (traitement des produits) soit via la pollution environnementale, les PE s’accumulant dans la nature et donc dans les plantes et les animaux, y compris (et beaucoup d’ailleurs) les poissons.

Les produits ménagers (détergents, lessives, entretien et nettoyage des surfaces…) et bien sûr cosmétiques (soins de beauté et produits d’hygiène) sont une autre source importante de PE et, plus généralement, ce qu’on appelle les « polluants domestiques », à savoir les peintures, les produits de traitement du bois et donc la poussière des maisons qui concentre au final les PE. Et n’oublions pas tous les équipements de la maison en plastique qui peuvent aussi libérer des PE…

 

La solution : faire des choix écologiques et sains !

Le point rassurant est que si l’exposition aux PE s’arrête, les quantités accumulées dans le corps diminuent lentement mais sûrement.

Pour l’anecdote, citons les résultats d’une étude publiés en 2012 dans la revue scientifique Neurotoxicology : ses auteurs avaient mesuré le taux de PE dans l’urine de femmes en milieu de grossesse appartenant à une communauté protestante orthodoxe américaine, appelée Old Order Mennonite. Leurs taux de PE étaient beaucoup plus faibles que celui des autres femmes américaines. Ces mennonites (dont le mode de vie s’apparente beaucoup à celui des fameux Amish) mangent surtout des aliments frais et non transformés, cultivent sans pesticides et n'utilisent que peu ou pas de cosmétiques ou de produits d’hygiène industriels. Une de ces femmes avait certes un taux élevé de phtalate de monoéthyle, mais elle avait déclaré utiliser de la laque et du parfum. Toutes les autres femmes du groupe avaient des niveaux inférieurs à la détection. Trois autres femmes présentaient par ailleurs des niveaux urinaires plus élevés de phtalate de diéthylhexyle (DEHP), mais avaient déclaré avoir voyagé en voiture ou en camion dans les 48 heures suivant la fourniture de l’échantillon d'urine. Or le DEHP se trouve dans le polychlorure de vinyle (PVC), utilisé dans les intérieurs de voitures…


Une étude épidémiologique a montré que les membres de la communauté religieuse américaine Old Order Mennonite, qui vivent quasiment comme au 19e siècle, présentent des taux de perturbateurs endocriniens très inférieurs à la moyenne (Photo Wikimedia Commons Alan Walker).
  Nul besoin cependant de se remettre à vivre comme il y a 100 ou 200 ans pour diminuer son exposition aux PE : la conclusion est surtout qu’il faut privilégier les aliments et les cosmétiques bio, les produits d’entretien de la maison vraiment écologiques et naturels, les peintures et vernis écologiques, etc.

En n’oubliant pas non plus, concernant les polluants domestiques, de bien aérer régulièrement son intérieur…

 


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