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(Image Saponifier via Pixabay).

Chaque année, la DGCCRF (Répression des Fraudes, qui relève du ministère de l'Économie) procède à des contrôles sur les produits cosmétiques fabriqués en France et dans les pays de l’Union européenne ou importés d’un pays tiers. Le but de ces contrôles est de vérifier la conformité des cosmétiques du marché français aux exigences réglementaires, afin d’informer les consommateurs sur les éventuels risques liés à l’utilisation de certains produits. Elle a publié en octobre 2019 son rapport 2018.

Le problème de la vente en ligne

Parmi les trois axes d’enquête qui ont été privilégiés lors de cette dernière enquête figurent l’affichage de la liste des ingrédients (alias liste INCI) sur les sites de vente à distance. La vente en ligne est en effet en forte augmentation depuis ces dernières années. Comme le souligne la DGCCRF, « toutes les grandes enseignes de la beauté ont aujourd’hui leur site Internet marchand. En 2016, les achats en ligne ont représenté 147 M€, soit une progression de 21 % par rapport à l’année précédente (source : Fédération française de la parfumerie sélective) ».

Le problème est que les sites internet présentent souvent une liste d’ingrédients ne correspondant pas au produit commercialisé, sans parler de nombreuses informations non conformes.

Rappelons que, légalement, pour informer clairement et en toute transparence les acheteurs, ne serait-ce que pour vérifier d’éventuels risques d’allergie, les sites de vente en ligne doivent obligatoirement faire figurer la liste INCI, que cela soit sous la forme d’un texte ou la forme d’une image, c’est-à-dire la photographie de la liste INCI figurant sur l’emballage ou le récipient.

Ainsi, au total, 349 sites Internet ont fait l’objet d’une vérification de l’affichage de la liste d’ingrédients et un taux d’anomalie de 29 % a été constaté. Outre le non affichage de la liste des ingrédients ou des listes erronées, ont été relevés des allégations trompeuses, des conditions de vente incomplètes notamment sur le droit de rétractation et la présence de clauses abusives.

L’enquête a montré en effet la persistance d’allégations thérapeutiques faisant référence au traitement de maladies ou à des actions pharmacologiques, notamment sur des produits à base d’huiles essentielles ou de plantes. Des allégations considérées comme une « valorisation trompeuse des propriétés des produits cosmétiques destinée à mieux vendre le produit », qui ne correspondent en général pas à la réalité et sont de toute façon parfaitement déplacées.

D’autres allégations, constitutives de pratiques commerciales trompeuses, ont également été constatées :

  • « sans [substance] » alors que la formule en contient ;
  • « hypoallergénique » ou « sans perturbateurs endocriniens », affirmations insuffisamment étayées ou invérifiables ;
  • « non testé sur les animaux ». À ce sujet, la DGCCRF rappelle sur son site internet que l’expérimentation animale portant sur les produits cosmétiques est de toute façon interdite par la réglementation européenne à de rares exceptions près !
  • des allégations faisant référence à une origine particulière ou française (Made in France) sans justification ;
  • « avec … », « contient … », « »enrichi … » alors que le produit fini contient une quantité infime de la substance ou de l’ingrédient revendiqué.

De tels comportements, dus soit aux vendeurs en ligne soit aux marques elles-mêmes sont la preuve d’un manque de sérieux et d’honnêteté vis-à-vis des acheteurs.

La vente en ligne est un circuit de vente où l’absence de sérieux est malheureusement fréquent (image Preis_King via Pixabay).

Le problème des marques « alternatives »

Il faut donc en particulier fuir les boutiques en ligne n’affichant pas les listes d’ingrédients, ou avec des allégations quasi « miraculeuses », surtout lorsque ces boutiques essaient de se différencier en vendant des marques peu connues, dont l’origine est mal voire pas tracée du tout.

À ce propos, la DGCCRF a d’ailleurs décelé de nombreuses lacunes dans le circuit de distribution des produits chez les fabricants ou importateurs. Car la mise sur le marché d’un produit cosmétique implique la désignation obligatoire d’une personne « responsable » qui garantit, pour chaque produit cosmétique commercialisé, sa conformité au regard des obligations réglementaires européennes. À cet effet, un dossier d’information sur le produit (DIP) doit être établi par ce professionnel. Ces éléments, mis à disposition de l’autorité de contrôle, doivent contenir toutes les caractéristiques du produit (quant à sa composition) ainsi que l’évaluation de sa sécurité. Les enquêteurs ont relevé des difficultés récurrentes d’accessibilité aux DIP et des anomalies graves pouvant porter atteinte à la santé des consommateurs : absence d’informations toxicologiques pour certaines matières premières, traces de substances interdites non documentées et sécurité du produit évaluée par un professionnel non qualifié.

La seconde obligation imposée par la réglementation au « responsable » consiste, pour chaque produit commercialisé dans l’Union européenne, à en faire la déclaration sur le portail CPNP (portail européen des notifications de produits cosmétiques) avant sa mise sur le marché. Cette communication contient des informations sur le produit, l’État membre dans lequel il sera commercialisé, les coordonnées du « responsable » ainsi que la personne à contacter en cas de nécessité. Les enquêteurs ont relevé que près de 9 % des professionnels ne notifient pas leurs produits sur le portail et 10 % le font de façon approximative.

Trop souvent, des vendeurs en ligne qui veulent ainsi se distinguer de leurs concurrents en allant chercher à l’étranger des marques originales, « différenciantes », méconnaissent totalement ces obligations. En faisant rentrer en France, quand ce n’est pas dans l’Union européenne, des cosmétiques en provenance de l’étranger, ces vendeurs deviennent de fait des importateurs, sans néanmoins apporter toutes les garanties dont doit bénéficier un consommateur. Méfiance donc dans un tel cas ! Surtout lorsque, en plus de proposer des marques « originales », ledit vendeur oublie totalement de publier la liste INCI !

Importer des cosmétiques nécessite d’avoir une « personne responsable » compétente dans l’entreprise. Une obligation de sécurité totalement négligé par certains vendeurs en ligne (image geralt via Pixabay).

La DGCCRF a également relevé des manquements au niveau des cosmétiques vendus dans les bazars/solderies ou par des grossistes : « Ces opérateurs sont susceptibles de distribuer des cosmétiques mis sur le marché plusieurs mois ou années auparavant, la date de durabilité minimale peut être dépassée, les conditions de transport et de stockage ont pu être altérées et les évolutions réglementaires obligeant à retirer du marché les produits contenant des substances nouvellement interdites ont pu ne pas être prises en compte ».

Certains de ces bazars et solderies, en particulier ceux spécialisés dans les produits « exotiques » pouvant s’approvisionner en cosmétiques via des circuits peu ou pas officiels, la plus grande prudence s’impose également lors des achats, car certains produits peuvent ne pas être conformes tant sur le plan de l’étiquetage que de la composition, avec les risques que cela sous-entend éventuellement pour les consommateurs.

Plus globalement, la DGCCR a aussi constaté la présence de produits périmés et des étiquetages incomplets chez les distributeurs, grossistes et détaillants : « Parmi ces opérateurs, certains n’appliquent pas les obligations qui leur sont imposées. Plusieurs anomalies ont été relevées : produits contenant des substances interdites (isobutylparabène, méthylisothiazolinone, méthychloroisothiazolinone…), non-conformité d’étiquetage, absence de traçabilité et non-respect de la langue française sur des produits importés ».

Aux consommateurs d’être vigilants lors des achats ! Il va de soi qu’acheter des produits élaborés par des entreprises qui sont membres des associations de fabricants de cosmétique naturelle et bio minimisent grandement les risques de ce type, ce qui n’empêche pas la vigilance lors de l’achat, c’est-à-dire une lecture attentive de l’étiquetage : nom et adresse du fabricant ou distributeur dans un pays appartenant à l’Union européenne, liste INCI, date limite d’utilisation optimale (« A utiliser de préférence avant… ») et/ou période d’utilisation après ouverture (symbole du pot ouvert avec l’indication d’un nombre de mois, c’est-à-dire d’un chiffre suivi de la lettre « M »), conseils d’utilisation en français…

Nanomatériaux ou pas ?

Un autre axe d’enquête important de la DGCCRF a été la recherche de substances sous forme nanométrique (c’est-à-dire des nanomatériaux ou nanoparticules, sur lesquels planent des suspicions en matière de santé), en particulier dans les produits solaires. Les nanomatériaux sont des matériaux dont la taille ou la structure comporte au moins une dimension comprise entre 1 et 100 nanomètres (0,001 à 0,10 mm). Cette taille leur confère des propriétés physiques, chimiques ou biologiques particulières. Ces nanoparticules sont en effet soumises à des conditions d’utilisation et leur présence doit être signalée via la mention [nano] sur l’emballage.

Les produits solaires peuvent en particulier contenir en particulier des filtres minéraux, du dioxyde de titane (TiO2) ou de l’oxyde de zinc (ZnO), destinés à protéger les utilisateurs contre les effets néfastes du soleil. Si le produit solaire contient du TiO2 ou du ZnO sous forme nanoparticulaire, la mention [nano] doit donc être obligatoirement indiquée sur l’étiquetage et dans la liste des ingrédients lors de la déclaration sur le portail CPNP. Or, sur 39 produits analysés par la DGCCRF en 2018, 19 présentaient au moins une anomalie. Principal manquement constaté : la présence de ces ingrédients sans la mention [nano].

La présence d’ingrédients sous forme « nano » doit obligatoirement être indiquée sur l’étiquetage. Les protections solaires sont les premières concernées, mais pas uniquement (image larsen9236 via Pixabay).

Les résultats en chiffres de l’enquête 2018 de la DGCCRF

Au total, la DGCCRF a visité 1 836 établissements (grossistes, détaillants…) et près de 700 échantillons analysés par le Service commun des laboratoires (laboratoire commun à la DGCCRF et aux Douanes) d’Oullins. 40,5 % des établissements visités présentaient des anomalies ! Quant aux sites Internet contrôlés, environ 1/3 d’entre eux présentaient au moins une anomalie.

Suite cela, 503 avertissements pour « anomalies mineures » ont été envoyés aux établissement concernés ; 216 injonctions de mise en conformité ont été faites pour défauts d’étiquetage, absence ou incomplétude du DIP et allégations trompeuses ; 73 procès-verbaux ont été dressés pour présence de substance interdite, absence d’indication des allergènes dans la liste des ingrédients, absence de DIP et allégation trompeuse ; des arrêtés préfectoraux ont été pris, ordonnant le retrait du marché ou le rappel des produits contenant des substances interdites ; des saisies de produits effectuées pour des produits de blanchiment de la peau contenant des substances interdites (hydroquinone et glucocorticoïdes).

« À noter qu’une société réalisant plusieurs centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires par an, auteure de multiples infractions en 2018, a fait l’objet d’un procès-verbal de tromperie, d’une injonction de mise en conformité de l’étiquetage d’un produit et d’un avertissement pour des manquements moins graves. Malgré le maintien d’une pression de contrôle constante, le taux d’établissements en anomalie (40,5 %) relevé en 2018 demeure élevé ».

Un cosmétique ne s’achète jamais les yeux fermés, surtout lorsqu’il s’agit de marques nouvelles, émergeantes, importées…


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